Le 24 juin dernier, Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits de la femme et porte parole du gouvernement a annoncé qu’elle projetait d’« abolir la prostitution ».
Persisterait-elle dans cette noble intention, elle ne reprendrait qu’en apparence le projet de Mme Bachelot qui, ministre de la Solidarité et de la Cohésion sociale sous Sarkozy, prévoyait de « pénaliser les clients » comme ils le sont déjà en Suède et en Norvège. En « abolissant » la prostitution dans le même temps que des composantes de sa majorité appellent à la dépénalisation du cannabis et que le gouvernement lui-même étendra par ailleurs le droit de se marier et d’adopter aux couples homosexuels, la ministre des droits de la femme devra en effet braver l’opinion de ceux et de celles qui, sous le bât des préjugés anciens, se demanderont en quoi la prostitution est une pratique moralement plus répréhensible que la drogue ou l’homosexualité. Les vrais défenseurs de la « dignité humaine » se réjouiront pourtant de son audace.
Car il serait un comble que, dans une société où hommes et femmes librement consentants peuvent, dès l’âge de quinze ans, copuler par tous les bouts de la chandelle ; où ils peuvent forniquer en bande dans la débauche la plus totale ; où les pratiques sado-masochistes, passent pour exprimer les fantasmes et non l’avilissement de leurs auteurs ; où la production et la commercialisation de spectacles pornographiques est autorisée ; où rien n’interdit à un être humain de s’accoupler à des animaux, même au vu et au su des internautes du monde entier ; où la liberté d’entreprise permet d’ouvrir en bon père de famille des lieux d’ébats échangistes ayant pignon sur rue ; où d’anciennes stars du porno tiennent le haut du pavé dans des médias du meilleur aloi devenant ainsi des modèles pour la jeunesse ; où le racolage passif du client est interdit sur la chaussée mais leur racolage actif autorisé dans les annonces « roses » de la presse écrite, télévisuelle et électronique ; où pères et mères rêvent pour leurs filles d’une carrière de mannequin qui ferait d’elles, parfois dès l’enfance, de purs objets sexuels ; où les hommes et les femmes n’ont même pas besoin de se marier — comme on doit encore le faire en Islam — pour vivre maritalement avec plus d’un conjoint dès lors que leurs enfants illégitimes ont les mêmes droits que les légitimes ; où une femme peut exiger de l’homme dans le dos duquel elle fait un enfant qu’il lui verse une pension alimentaire à raison de sa paternité biologique bien que notre société prétende défendre l’idée de paternité volontaire ; où les parents sont par avance excusés de placer leur bonheur personnel au-dessus de celui de leur progéniture et de l’abandonner aux écrans de télé et d’ordinateur quand ce n’est pas aux caïds et aux dealers du coin ; il serait vraiment un comble, n’est-ce pas, que, dans une société aussi éprise de spiritualité, aussi attachée aux valeurs familiales et aussi soucieuse de cohérence intellectuelle et morale, un homme ou une femme momentanément ou durablement dans le besoin affectif ou sexuel puissent le satisfaire auprès d’une autre personne librement consentante contre — berk, berk, berk ! — des émoluments dûment convenus…
PREVENIR LA SAISINE DU JUGE CONSTITUTIONNEL
Pour parer à la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) que les prostitués déclarés pourraient opposer à la loi abolitionniste au moyen du principe d’égalité des citoyens devant la loi, Madame Vallaud-Belkacem ferait bien d’interdire également à toute personne de jouer des scènes érotiques contre rémunération au cinéma comme au théâtre ; de poursuivre le public qui en regardant ces scènes favorise, sinon la traite, du moins la « marchandisation » des corps des comédiens ; d’ « abolir » les promotions-canapés librement pratiquées dans le monde du spectacle comme dans celui de l’administration, de l’entreprise ou de la haute politique ; de poursuivre pour complicité les responsables des entreprises publiques ou privées où ces promotions se ont lieu ; d’imposer aux autorités militaires privent de « repos du guerrier » nos soldats en France ou ailleurs par temps de paix comme par temps de guerre ; d’autoriser les douaniers à soumettre nos compatriotes au détecteur de mensonges pour s’assurer qu’ils n’ont pas eu d’échanges sexuels tarifés dans les pays où ils ont séjourné ; de placer des caméras dans les couloirs des grands hôtels pour dissuader les étrangers de recourir aux services des belles d’étage ; et, last but not least, d’exiger de tout(e) fiancé(e) un tant soit peu fortuné(e) qu’il/elle apporte la preuve que son/sa futur conjoint(e) ne s’unit pas à lui/elle par intérêt afin que nul ne puisse dire que, dans notre société, la grande différence entre le mariage et la prostitution est que, avec le mariage, l’homme ou la femme paie après. « L’homme n’est ni ange ni bête et le malheur veut que qui veut faire l’ange fait la bête » : Mme Vallaud-Belkacem ferait bien de relire son Pascal. Car, pour palier les effets de la reconnaissance du caractère « fondamental » du besoin sexuel que les associations de clients physiquement ou psychiquement inhibés pourraient quant à eux solliciter du juge au vu de la Constitution de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et de littérature médicale et psychanalytique, elle devra assurer la création d’un service public du… sexe.
A la différence d’un État judéo-chrétien, l’Etat laïque ne peut en effet interdire le système de satisfaction coutumier d’un besoin aussi « fondamental » que le sexe sans prévoir un système de satisfaction alternatif sauf à se voir réclamer des dommages-intérêts par ceux qu’il priverait des moyens de satisfaire le dit « besoin fondamental » et à se voir reprocher d’introduire des inégalités entre ceux qui peuvent répondre à leurs besoins sexuels de manière non marchande et ceux qui ne peuvent le faire que de manière marchande pour ne pas dire de créer de l’ « exclusion » — le comble pour un gouvernement socialiste ! Avec l’argent du « cochon de contribuable », Mme Vallaud-Belkaem devra donc confier à une mission d’experts le soin de concevoir les critères d’accès à ce service public d’un genre nouveau ainsi que la nature de ses prestations . Serait notamment défini un seuil d’indigence sexuelle (S.I.S.) en-deçà duquel les individus seraient considérés comme des Sans Partenaire Sexuel Fixe ni Occasionnels (SPSFO) et par là même éligibles aux prestations. Par analogie avec le seuil de pauvreté économique (60% du revenu médian), le seuil d’indigence sexuelle serait fixé à 60% du nombre médian de rapports sexuels mensuels, ou, si l’on ne dispose pas de cette donnée, à 60% du nombre moyen de rapports déclarés (9 pour les personnes en couple depuis plus de cinq ans), ce qui donnerait un S.I.S. de 5, 4 rapports sexuels par mois. Le plus difficile pour la mission serait de déterminer si les prestations doivent être réservées aux seuls célibataires et veufs ou bien aux mariés aussi ; et si elles doivent l’être aux seuls Français majeurs de 15 ou 18 ans ou bien ouvertes aux résidents des États membres de l’UE, à tous les résidents étrangers légaux, à tout majeur sexuel résidant légalement ou illégalement dans le pays aussi, voire aux simples touristes en quête de cette « vie parisienne » qui a tant fait pour la gloire musicale, picturale et littéraire de notre pays.
SERVICE PUBLIC DU SEXE MIXTE OU UNIFIÉ
A côté de prestations sexuelles préventives (médecins et psychologues aidant les sujets concernés à surmonter les obstacles physiques ou psychiques à la normalisation de leur sexualité), seraient fournies des prestations sexuelles compensatoires. Les exclus du sexe mis en rapport grâce à des sites et des lieux de rencontres, seraient d’abord incités à satisfaire leurs besoins sexuels les uns les autres — par des réductions ou des crédits d’impôt s’il le faut. A ceux qui, malgré ces stimulants fiscaux, ne parviendraient pas à se donner mutuellement du plaisir, l’Etat fournirait des partenaires sexuels. Par économie, il ferait appel à des bénévoles — à la disposition desquels il mettrait des lieux de rencontres immeubles ou meubles (camionnettes) — qu’il récompenserait symboliquement, de « palmes lycéennes », par exemple, en souvenir de l’école péripatéticienne. Les jeunes du Service civil pourraient prêter main forte ; et les femmes-cougars joindre l’utile à l’agréable. Si ces volontaires devaient ne pas suffire, l’Etat pourrait — comme des villes et des monastères le firent au Moyen-Âge— prendre en régie directe la distribution de ces faveurs sexuelles en recrutant, formant et rétribuant lui-même les candidats aptes au service, après s’être naturellement assuré qu’ils sont d’authentiques volontaires et qu’ils ne gagnent pas plus que leurs conjoints, faute de quoi ceux-ci verseraient dans le proxénétisme.
A côté de généralistes, des travailleurs du sexe spécialisés dans les divers fantasmes des patients seraient formés, rémunérés en conséquence et susceptibles de prendre leur retraite dès 60 ans vu la pénibilité de leur travail. Afin que l’État-Providence ne se transforme pas en État-Julot-casse-croûte, Mme Najat Vallaud-Belkacem, devra veiller à bien tarifer les prestations aux prix coûtants si ce n’est pratiquer la vente à perte histoire de tuer dans l’œuf la concurrence des réseaux mafieux qui entendraient poursuivre leur sinistre traite. Autant de mesures qui pourraient, au bout du compte, coûter moins cher au pays que d’employer une armée de policiers à dissuader ou traquer le client et de juges à punir ceux qui n’auraient pas été effrayés. A moins que notre ministre des droits de la femme ne préfère autoriser l’exercice libéral de la prostitution par des sujets que l’administration aurait agréés après s’être, ici encore, assurée qu’ils sont d’authentiques volontaires et avoir négocié avec leurs syndicats la convention tarifaire, à un ou plusieurs secteurs, rémunérant les actes répertoriés. Pour que les personnels donnant de leur personne ne soient pas soupçonnés d’être des détraqués sexuels et que l’Etat ne soit pas atteint en son image, Mme Vallaud-Belkacem médicaliserait l’interventionnisme de ce dernier en présentant les prostitués bénévoles ou professionnels comme un corps d’auxiliaires de santé analogue à celui des infirmiers ou des kinésithérapeutes et leurs prestations comme des soins médicaux ou paramédicaux.
Comme dans certaines sociétés du Proche-Orient antique où les femmes, stériles notamment, se dévouaient plus ou moins volontairement au bien-être des hommes, Madame Vallaud-Belkacem pourrait opter pour une sacralisation si ce n’est une divinisation de la fonction « prostitutive » en présentant bénévoles et professionnels comme les officiants d’un culte républicain à l’Amour ou au Sexe, ce qui permettrait de présenter leurs rémunérations comme des « dons » ou des « offrandes ». Sur le modèle de la Fête de la Musique ou de la Gay Pride, voire des bacchanales antiques, une « Prostitute Pride », voire une Fête du Sexe Suprême, serait organisée qui parachèverait la révolution sexuelle et libérale de notre temps en la portant à son apothéose. Un clergé aussi laïque que citoyen verrait le jour. MM. Jack Lang et Dominique Strauss-Kahn en deviendraient les grands prêtres si ce n’est les figures tutélaires. Les féministes qui demandent l’ « abolition » à cause de la traite des femmes qu’elle occasionne, seraient heureuses ; celles qui la réclament parce qu’elles estiment que la femme est assez grande pour savoir quoi faire de son corps mais pas de son sexe, seraient tristes. Ce qui ajouterait à la joie de notre peuple pas mécontent d’être redevenu — en conciliant droits de l’homme, droits de la femme et droit des « petits femmes » — un exemple pour le monde. N’en déplaise à la prude Suède et à son école de films pornographiques subventionnée, en 2009, par l’Etat.